Quimiac, une station si tranquille

Entre mer et Brière, Quimiac la discrète, version balnéaire de Mesquer la paludière, se plait à jouer à  l’anti La Baule. Une carte familiale qui a ses inconditionnels.

Le vacancier quimiacais est d’une race à part. Il cultive à l’envie la tranquillité de son lieu de villégiature. Interrogez-les sur ce qui fait son charme, il n’ira pas par quatre chemins pour le résumer : «  C’est l’inverse de La Baule ! ». Il domine si bien son sujet qu’il en oublie… toute objectivité. 

Nantais, angevin… il a souvent dans son enfance fréquenté la station phare. Nostalgique de ses années vintage, il prétend avoir fui sans regret la baie. La preuve ? Tout juste consent-il à  « descendre » à La Baule le vendredi soir pour récupérer un parent à la gare et parfois à se risquer par temps pluvieux à « faire la Gégé ». Une escapade dont il revient avec l’idée toujours plus affirmée que Quimiac est décidément The place to be. 

Ne vous y trompez pas. Le Quimiacais n’est pas non plus un Rétais qui s’ignore. Ici pas de people ni de paparazzis embusqués. Et le bobo parisien qui, vêtu de son uniforme de parfait marin acheté chez Cyrillus, débarque dans sa villa d’un blanc immaculé aux volets bleu pervenche et au gravier trop adroitement ratissé, n’a pas meilleure presse.

Quimiac la décontract aime la discrétion. Ses vacanciers le lui rendent bien. Ici, un monospace qui affiche 100 000 kms et d’où s’extraie une horde de gamins a plus la cote qu’un cabriolet rutilant occupé par une bombas blonde. D’ailleurs, la voiture bouge peu. Véhicule d’abord utilitaire pour amener le Quimiacais vers sa villégiature, elle dort sous les pins. Tout automobiliste surpris à chercher une place a proximité de la plage est obligatoirement « quelqu’un d’ailleurs ».

Pourquoi tourner la clef de contact ? Deux marchés hebdos colorés, quelques bars sans prétention où la jeunesse danse le rock, une supérette qui joue les prolongations, trois boulangeries qui se défient, un marchand de journaux trouve tout, les ostréiculteurs de Kerkabellec, un pharmacien volubile, un médecin surbooké, des plages à deux pas, trois ports qui échouent suffisent au bonheur du Quimiacais. Si d’aventure il est pressé, il enfourche son vélo. Forcément une relique familiale ou un antique Motobécane déniché au vide grenier du début de saison.

Les charmes du bois

Le soir lorsqu’il refait la partie de pêche ou la virée du jour à l’île Dumet, autour d’un quimiacais (un rosé basique rehaussé d’un sirop de pamplemousse), le Quimiacais ne va pas chez les untel. Non, il est à la Musardière, à la Lézardière, à Sainte-Apolline, à Ker Dauphin, à Sainte-Anne… Tout le monde se connait, cousine un peu : aux patronymes, le Quimiacais averti préfère les noms de ces villas familiales construites pour la plupart il y a cinquante ans dans le bois.

Ce quartier est l’âme de la station. 13 hectares de sable entre la plage de Lanséria et le bourg de Quimiac, plantés d’oyats et de pins maritimes au XIXe siècle à la suite d’un raz de marée. Peu avant la Seconde guerre mondiale, ce terrain est aménagé, sous réserve que les arbres soient sauvegardés. 127 grandes parcelles et bientôt… autant de propriétaires. Le Quimiacais n’étant pas bégueule, les plus belles de ces maisons sont signées d’architectes baulois : Philippe Louis, Adrien Grave… Au fil des années, le bois n’a pas changé de physionomie.  Les jardins n’ont pas été divisés ou mités. Aucune résidence clinquante n’a barré la vue imprenable sur la Presqu’île de Rhuys… Aucun bar-restaurant n’a envahi Lanséria. L’installation de feux tricolores boulevard de l’Océan n’est toujours pas inscrite au programme municipal. Un privilège.

Chaque famille a son coin de plage. Lui faire des infidélités est une faute de goût. Le chic du chic est de s’y rendre à contre-courant. A l’heure du déjeuner, tard le soir… Lorsque la foule, lorsque ceux de Saint-Molf, de Guérande, des campings, « ceux qui ont fait construire de l’autre côté de la départementale », n’y sont pas encore ou l’ont déjà déserté. Certaines s’étalent depuis des décennies à gauche du Fort de Beaulieu où il arrive que s’égarent jolis bijoux et chevalières armoriée. D’autres posent leurs serviettes sous la Petite Marinière, rendez-vous des dériveurs et emplacement stratégique pour les mères qui veillent sur les amours d’été de leurs ados. La large plage de Sorloch avec son club d’enfants a ses inconditionnels. Tout comme l’intimité du Moulin, le calme du Toul Ru, l’accessibilité de Lanséria par l’avenue de la Mer.

Tient tiens, les rochers qui se découvrent lorsque la mer se retire. Voilà encore un atout auquel La Baule ne peut prétendre sérieusement. Lorsqu’il ne farniente pas sur la plage, ne tire pas un bord, ne pose pas son filet ou ne furète pas à l’aube d’une anse à l’autre avec son lancer, le Quimiacais pourchasse la crevette, guette la palourde qu’il traque forcément à la cuillère, décroche huîtres et moules. Des prises toujours uniques, parfois miraculeuses… Alors, le soir lorsqu’il s’attaque au fruit de sa pêche, le Quimiacais en oublie La Baule. Il se fait… marseillais. Et chauvin. Forcément chauvin.