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Samedi 18 juin 2016. Milieu d’après-midi au Québec. J’ai choisi ce jour et, décalage horaire oblige, ce créneau pour révéler ma maladie aux disciples de la communauté parisienne.

 

Ils résident dans un pavillon du Plessis-Trévise, une de ces villes nouvelles qui ont fleuri à la périphérie parisienne dans les années 1950. Peuplée de vingt mille habitants, cette commune du Val-de-Marne, reliée à la capitale par le RER, voisine avec Champigny-sur-Marne.

 

La communauté a pour habitude de se réunir chaque fin de semaine pour partager le dîner, travailler, prier et entonner le zikh ; ces chants religieux où l’on répète continuellement le nom de Dieu. Ce soir-là, ils sont une petite vingtaine, des étudiants venus de l’extérieur et des disciples qui vivent ici en permanence, à se retrouver dans cette maison propriété d’un des leurs.

 

Je connais depuis près de deux décennies cette daara ; ainsi appelle-t-on nos maisons communautaires. Fonctionnant sans véritable responsable, elle est d’abord guidée par le Maître spirituel de l’École Soufie Internationale qui demeure au Sénégal. Effectuant de fréquents allers et retours entre Dakar, le Canada et l’île de La Réunion dans l’océan Indien, je m’y arrête systématiquement entre deux vols lorsque je fais étape à Paris. Ainsi, j’ai tissé des relations profondes avec les membres de la daara.

 

Cette conversation est d’abord un appel. Dans la journée, j’ai pris la décision de me faire soigner ni au Québec, ni à La Réunion – mon lieu de résidence depuis plus de trente ans – faute de nourrir une confiance pleine et entière dans les hôpitaux de ce département d’outre-mer. Par ailleurs, rien ne me retient au Canada. Ni la thèse désormais terminée, ni mes quelques contacts.

 

Mon vœu est de regagner au plus vite la France. Je serai probablement admise dans un établissement situé en périphérie parisienne, donc pas trop éloigné de la daara. C’est une chance. Le fait que ma sœur et ma mère résident – l’une à Dijon, l’autre à Caen – à moins de deux heures en TGV en est une autre.

 

La communication se prolonge. Dans le salon qui sert de salle de réunions et de prière, une disciple a branché le haut-parleur de son portable pour que tous écoutent. Mon propos est préparé. Séquencé. J’annonce tout d’abord qu’il nous faut tous remercier Dieu : le 31 mai précédent, dans les délais et avec l’accord de ma directrice de recherche, France Jutras, j’ai déposé ma thèse.

 

Elle est l’aboutissement de trois ans et demi de recherches. Des années qui n’ont pas été toujours évidentes. Qu’importe. Mon travail – “ce beau gâteau” – est désormais soumis à la lecture et l’avis d’enseignants de l’université de Sherbrooke et de l’ICP (Institut Catholique de Paris). La soutenance est prévue dans les trois mois à venir. Elle s’annonce comme une formalité. C’est la règle. Enfin, c’est ce qu’on m’assure…

Cette thèse est en effet la leur. Je l’ai entreprise pour ma communauté soufie. Dieu m’a choisie. Je n’ai en effet aucune facilité pour l’écriture. Le langage universitaire m’est totalement étranger. Dépourvue de formation littéraire, j’ai entamé ce long cheminement en 2007 en reprenant mes études supérieures à La Réunion après un quart de siècle de professorat (...)