À la sortie de la guerre, sensible à la priorité économique qui était de nourrir le pays (nous percevions encore des tickets de rationnement), la JAC se mobilisait également et surtout pour l'augmentation de la production agricole française. Elle misait sur les nouvelles techniques de production (la mécanisation, les engrais…) et sur la formation de la génération montante.

 

Dès la fin des années 1940, la JAC a ainsi contribué à l'organisation de la profession en favorisant la création des organismes de gestion, les coopératives, les mutuelles, les syndicats agricoles... Pas étonnant que nombre de jeunes paysans ont alors pris de grandes responsabilités. Dix ans plus tard, en 1960, l’écrasante majorité des responsables et des élus ruraux français était issue de la JAC. Ils ont su jouer des coudes, se faire une place aux côtés de ceux que nous surnommions alors “les vieilles barbes”. Dans la sphère agricole locale, Bernard Lambert qui avait quitté l’école à quatorze ans et fut élu député de la Loire-Atlantique à vingt-huit ans, en est l’un des exemples les plus probants.

 

Comment ne pas citer aussi Gilles Possémé. Décédé en 2005, il était également de ma génération. Ce fils de paysans morbihannais a été porté par la vague déferlante née de la JAC. Porte-parole d’un monde agricole en pleine mutation, syndicaliste, il devint Président de la Chambre d'Agriculture du Morbihan de 1974 à 1989 et de la Mutualité Sociale Agricole à la même époque. Il fut également maire de sa commune de Saint-Marcel, durant quatre mandats successifs de 1977 à 2001. Un parcours exemplaire.

 

Ou encore Michel Debatisse. De deux ans mon aîné, originaire du Puy-de-Dôme, successivement secrétaire de la JAC (1956-1958) puis du CNJA dans les années 1960, il fut dans la foulée élu président de la FNSEA (1971-1978) avec de siéger comme député.

 

À mon retour du service militaire en Tunisie (lire chapitre suivant), j’ai pour la première fois touché de près à ce qu’est la politique au sens noble du terme. À l’initiative d’un mouvement religieux (la JAC ou l’une de ses émanations) étaient organisées à Redon des sessions de formation. Elles regroupaient des jeunes agriculteurs du Morbihan mais aussi du Finistère, de la Loire-Atlantique et même du Maine-et-Loire.

 

Je garde de ces journées un souvenir d’autant plus précis qu’elles étaient parfois animées par une personnalité appréciée du monde rural et qui, quelques années plus tard, devint ministre du Général de Gaulle : Edgard Pisani, décédé récemment.

 

Lors de l’une d’elles, une remarque développée par un animateur, sans doute un ecclésiastique, est restée à jamais gravée dans ma tête : «  La politique est la plus haute forme de charité après la vie religieuse. »

 

Dans l’absolu, c’est sans doute vrai. Les politiques ont en charge la gestion de la cité. Ils peuvent de façon désintéressée faire bouger les choses.

 

Mais avec le recul, je constate que beaucoup d’entre eux n’ont jamais entendu ou compris ce message.