J’ai commencé à boxer en catégorie coq en 1953 à l’âge de seize ans. C’était interdit avant. On pouvait s’entraîner mais pas plus. Si Colin était ma référence, Yves Retail était mon partenaire de club. Agile, ce garçon m’a beaucoup aidé. Grâce à lui, j’ai progressé rapidement.

Sélectionné, il avait refusé d’aller aux Jeux olympique, effrayé à l’idée de se rendre à Melbourne en Australie. Le coach national et ses supporters n’avaient pas compris. Ce gars a ensuite été embauché comme caréneur au port de Saint-Nazaire. Il nous a quittés trop tôt.

Nous nous entraînions deux ou trois fois par semaine et combattions salle du Commandant Gâté qui était gérée par le SNOS (Saint-Nazaire Omnisports). Ce club, le principal de la ville avec l’Union Méan-Penhoët, regroupait une vingtaine de sections sportives. Beaucoup de conseillers municipaux et de personnalités nazairiennes étaient membres du bureau. Tous assistaient aux soirées.

Les recettes générées par les entrées lors des galas de boxe assuraient l’essentiel des finances du SNOS. Nombre d’équipements sportifs ont été réalisés en partie grâce à cet argent et aux exploits de Charles Colin et de quelques autres. Saint-Nazaire doit encore aujourd’hui beaucoup à la boxe.

La salle du Commandant Gâté – un baraquement aménagé exprès – accueillait jusqu’à mille personnes. L’ambiance étant survoltée, deux flics étaient en permanence chargés d’emmener les boxeurs du vestiaire au ring. Pour accueillir un maximum de supporters et de passionnés, une mezzanine avait été aménagée au-dessus de la salle. Le public bénéficiait ainsi d’une vue plongeante sur les combats. Lorsque nous montions sur le ring pour trois rounds de trois minutes après avoir traversé difficilement les allées envahies par la foule, on apercevait à peine l’adversaire du soir tant l’air était obscurcie par la fumée de cigarettes. Mon premier adversaire était licencié à Sautron près de Nantes. J’ai gagné aux poings. Je ne l’ai plus revu après.

Ayant un métier, jamais je n’ai envisagé de passer pro. Amateur, je n’étais pas payé. Le club m’offrait ma licence. Et lorsque je gagnais, je touchais l’équivalent de cinq cents euros d’aujourd’hui.

Salle du Commandant-Gâté, était programmée une réunion par mois. Une dizaine de combats entre amateurs précédait l’affiche du jour : une rencontre entre deux professionnels. Lorsqu’il ne recevait pas, le club se déplaçait à l’extérieur avec ses boxeurs. Du moins avec ceux qui étaient en forme et qui le méritaient. Nous partions la veille à une quinzaine en car ou en train à Royan, Brest, Nantes, Blois…

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Il n’y avait alors qu’une salle à Saint-Nazaire, plus tard, en 1956, une seconde s’est ouverte à Trignac. Y boxaient essentiellement les licenciés du club des faubourgs. Mais pour les grands combats, notamment lorsque Charlot – le diminutif de Charles Colin – était à l’affiche, le public se déplaçait souvent en famille dans l’un des deux hangars de Penhoët propriétés de la CCI et situés non loin du port, boulevard Leferme. Il était pour l’occasion équipé de tribunes, d’un ring, de tables de presse, d’un hall d’accueil, de vestiaires… Sponsorisées par les grandes marques d’alcool, ces affiches prestigieuses attiraient plusieurs milliers de spectateurs.

 

Charles Colin a boxé jusqu’en 1960. Sacré numéro un français en décembre 1953, son fait d’armes restera d’avoir disputé le championnat d’Europe en 1956… à Saint-Nazaire. Un événement. Charlot n’a pas eu de chance. Ce soir-là, alors que huit mille supporters se pressaient et scandaient son nom pour l’encourager, il faisait très froid. Nous étions en février. La salle était mal ou à peine chauffée.