Les pages qui suivent relatent l’histoire d’une longue et interminable descente. Mon histoire. Celle d’un enfant qui croquait la vie et qui, près de trois décennies plus tard, affronte l’essentiel de ses journées dans une chambre d’une maison d’accueil spécialisée de la région lyonnaise. Certains résidents sont autant diminués que moi ; d’autres beaucoup plus. Ce qui relativise ma détresse.

 

La maladie génétique orpheline (déficit en ADA2 dans le jargon médical) dont je souffre a été formellement identifiée en mars 2014. Il y a six ans maintenant. En fait, elle rongeait mon quotidien depuis déjà plusieurs années. Sa caractéristique : un déficit en Adénosine Désaminase 2, une protéine impliquée dans la régulation de l’immunité.

 

La carence de cette protéine et son activité réduite dans mon sang sont à l’origine de graves désordres immunitaires : poussées de fièvre, inflammations biologiques, multiples et précoces AVC, symptômes neurologiques sévères… Aujourd’hui, mon état fonctionnel en est très fortement altéré. Trois dates clefs balisent cette irrémédiable détérioration corporelle.

 

En 2010, première alerte aux conséquences sérieuses : je perds à jamais l’usage de l’oreille droite et suis depuis soumis à de violents acouphènes.

 

Quatre ans plus tard, en 2014, atteint d’une anarthrie majeure à la suite d’une crise d’épilepsie, la parole m’échappe. Je découvre ce qu’est le mutisme.

 

En 2017, un énième accident vasculaire, cette fois au niveau de la moelle épinière, fait de moi un tétraplégique… incomplet. Mes membres gauches sont totalement paralysés. Côté droit, si je bouge correctement le bras, je ne peux tendre ma jambe que sur quelques centimètres. Incapable de boire seul et de me nourrir, une sonde fichée dans mon estomac fait office de…

 

Désormais, mon espace de liberté se limite à un fauteuil électrique, à mon ordinateur, aux programmes de la télévision, aux communications écrites avec les miens, aux quelques activités et sorties proposées par la maison d’accueil.

 

Mes rêves d’enfant se sont envolés. Mes projets d’adolescent se sont évanouis. À jamais. À vingt-huit ans, en ce début de printemps 2020, que me réserve l’avenir ? Je ne le pressens que trop.